Le courage de penser africain

Le courage de penser africain 
Par Jean-Luc MULYANGA
 « L’on ne peut réfléchir qu’à partir d’un lieu pratique et théorique donné »[1]
En guise d’exorde, le leitmotivde notre dissertation est la sensibilisation de l’Africain à réfléchir, de façon purement africaine au sujet de son quotidien. Il doit pour cela, être mieux informé des situations politique, sociale, religieuse, économique… de son contexte afin d’y apporter un jugement critique qui soit crédible pour l’Afrique. Nous inviterons l’Africain à se redonner espoir, à être fier de sa raison qui mobilise sa réflexion et surtout qu’il ne doit, pas chercher à l’emprunter ailleurs car il la possède. Le retour pour cet Africain à ses origines afin de bien se (re) lancer, pour prendre conscience de sa responsabilité, dans son contexte politique et social, ne manquera de retenir notre attention.




Retour aux origines
« … je suis noir et je me glorifie de ce nom, je suis fier du sang qui coule dans mes veines ».Cette déclaration du jeune Edward Burghardt Du Bois (22 ans à l’époque)dans le contexte d’une Amérique blanche post-esclavagiste où le Noir sortait à peine de l’esclavage, mais toujours considéré comme un sous-homme, réduit à la condition servile du prolétariat. Ce jeune homme est devenu la conscience du monde noir, de son pays mais aussi la motivation profonde de notre dissertation.
Depuis que l’homme blanc est entré en contact avec l’âme Africaine, des débats ont été ouverts face à ce contact. Ainsi, des diverses critiques seront émises à l’égard du Muntu, spécialement dans les sciences anthropologiques et ethnologique. Ce dernier sera donc objet de différentes études pour l’Occidental. Faire une étude sur un humain, n’est-ce pas une note de marginalisation ? Nous nous sommes peut-être laissé faire, en prêtant notre intelligence au profit de l’Occidental (non habitant l’Occident mais un eurocentriste : qui fait de l’Europe une référence pour tout le monde). Nous avons longtemps, prêté notre cerveau et notre bouche pour que l’Occidental réfléchisse et parle à notre place. Nous avons longtemps été silencieux devant certains faits et méfaits. 
Ce que nous demandons à l’Africain
L’Afrique doit se centrer sur Elle-même afin de maintenir sa manière de penser et d’habiter le monde. C’est ainsi qu’Elle peut être une réelle actrice dans la marche de l’humanité.Nous sommes invités à rencontrer l’Afrocentricité qui se démarque de l’Afrocentrisme. En ce sens que celui-là que nous prônons, apparaît comme une démarche de reconstruction de l’identité et de l’histoire africaines sur des bases africaines en rupture épistémologique avec l’idéologie eurocentriste[2].   
Le courage de penser africain en Afrique est une thématique qui doit amener chacun de nous, Africaine et Africain, à relire de façon critique notre quotidien dans l’agir, la pensée et la croyance. Car une foi implique un style de vie. L’homme finit par agir comme il pense et à penser comme il agit. Il ne suffit pas de naître en Afrique pour être Africain ; mais de penser africain dans un contexte qui soit le nôtre, partant de nos réalités quotidiennes en vue de fournir des efforts probants pour trouver de solutions durables aux questions qui sont les nôtres. 



La politique en Afrique
La politique est saisie ici comme « un art et une pratique de gouverner les sociétés humaines »[3]. Ainsi, un politicien échouera quand il désorganise la vie en société. C’est fréquent en Afrique, mais nous le trouvons normal ; même la crème intellectuelle ne dit mot… Pour l’Africain dont la société politique a fait cette option rationaliste et libérale, les dispositions appelées à promouvoir la vie intellectuelle apparaissent comme un droit accompli à l’Africain. En revanche, ce dernier doit admettre qu’il a aussi des devoirs envers sa société politique soit-elle. Toute politique a un chef à la tête, afin de coordonner les actions qui se passent au sein d’elle. Hélas ! pour nous les Africains, il n’est pas facile d’accepter l’autorité coordinatrice de la société.
Ici, le rôle que le philosophe Africain doit jouer est mis en exergue. Le philosophe[4]Africain doit, dans sa société normative, opter en faveur d’une vie libre et féconde de la raison ; créer l’espace dans lequel les individus concrets peuvent participer à cette vie intellectuelle libre.[5]La politique normative et sociale en Afrique se résume dans un dualisme dialectique : celui de la liberté et du respect. L’Africain n’est tenu au respect, y compris celui de l’ordre social et politique qu’à l’endroit d’une société qui s’engage à organiser sa vie d’une manière ou d’une autre. La société politique et normative quant à elle, n’est tenue qu’à garantir la liberté vis-à-vis de l’Africain qui s’engage à respecter l’ordre de cette société. La responsabilité du philosophe Africain, consiste ainsi en une prise en charge consciente des actes que l’on pose. Il a par ce fait comme tâche : « d’amener ses contemporains Africains à soutenir des opinions justes, étant lui-même l’homme capable de percevoir la vérité. Puisque, le philosophe est armé de prudence et de courage, et la véritéqu’il a la charge de chercher, de dire et de défendre, le fait passer pour un subversif aux yeux de l’ordre politique établi. Le fondement de toute responsabilité est la liberté qui est un trait caractéristique du philosophe. « Le vrai philosophe n’a peur de rien si ce n’est de sa propre conscience » dit-on. Nous sommes responsables parce que nous sommes libres. La liberté rend le philosophe ou l’homme responsable de ses actes. 
Disons donc que la responsabilité du philosophe ou de tout penseur Africain a pour origine la prise en charge spontanée d’un intérêt collectif pouvant essentiellement conduire, les cas échéants, au fait d’en devenir l’auteur, en lien avec la concession plus ou moins librement consentie de la part des intéressés. Cette politique nous met en face l’extrême artificialité de la totalité de la vie collective dont l’homme politique a le souci permanent. Bien qu’étant dans une société respectivement normative, le philosophe a des droits, des devoirs et tout cela converge vers l’ensemble des pouvoirs politiques qui règlement pratiquement sa vie politique ou sociétale. 
L’enjeu pour la construction d’une Afrique qui donne des raisons d’espérer passe par notre capacité de penser à partir, par et pour nous tout en tenant compte de l’interconnexion du monde contemporain.  



[1]Louis ALTHUSSER
[2]Eurocentrisme, mot désignant une vision du monde monolithique qui attribue une place fondamentale à la culture et à la civilisation européennes. Le qualificatif européen indique ici, non pas un espace géographique déterminé, mais une idéologie euro-américaine ou occidentale. Cf. Christian MUKADI SJ, « Au sujet de l’Afrocentricité », in Raison Ardente n°107, pp. 109-117.
[3]R. ARON, Démocratie et totalitarisme,Paris, Gallimard, 1965, p. 36.
[4]Tout penseur au nom de la vision du monde, la weltanschauung.
[5]Cf. I.-P. LALEYE, « L’élan du philosopher face à l’ordre comme norme sociale. Dialectique des droits et des devoirs du philosophe africain d’aujourd’hui », in Philosophie africaine et ordre sociale. Actes de la 9èmesemaine philosophique de Kinshasa du 01 au 07 Décembre 1985, Kinshasa, F.T.C.K., 1985, p. 30.

Commentaires

  1. Hello Mr JLuc, ce texte me rappelle la négritude>prise de conscience de l'homme noir.
    Je n'ai pas assez de commentaires à faire mais juste une petite observation, L'homme en vrai swahili c'est Mutu, différent de Muntu! Mes autres comments au fur et à mesure...

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  2. (Rire), Grand Merci cher Murzet...j'en tiendrai compte dans mes prochains textes. Si par le texte, la Négritude bouillonne en vous afin de prendre conscience ; j'en suis heureux. Merci

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    1. Merci, j'en ai déjà pris conscience(a developper),On garde contact

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    2. D'accord merci. Je suis disponible sur mon adresse gmail pour plus de détails jeanlucmulyangaa@gmail.com

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  3. Merci Jean-Luc pour cette idée de génie qui gangrène en toi. Il y'a peu,tu as parlé et valorisé
    par tes mots la femme africaine. Et maintenant tu loues le courage de tout Africain à réfléchir vraiment dans son contexte afin d'assurer son développement et celui de l'Afrique entière .je te suis de coeur, bonne suite à ta plume et surtout continue à être ce bon modèle pour moi ! Ta nièce Myriam...

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  4. Oh chère Nièce! Merci bien de ce mot réconfortant. Si par mes écrits tu trouves un fil conducteur de ta conduite comme femme africaine et que, par ces mêmes mots tu te sens honorée ; je le suis aussi. Merci et maintiens le cap vers l'idéal!

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  5. Courage Mon frere de moi je suis Tres contente and fiere de Te lire Vraiment Tu merite beaucoup dencouragement

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  6. Grand merci. Je ferai toujours mieux...

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  7. Merci monsieur Jean-Luc pour ce texte si riche sur l'homme africain. Ce dernier doit penser de manière purement africaine au sujet de son quotidien. Se centrer sur lui-même afin de maintenir sa manière de voir les choses ( La weltanschauung). Toutefois, qu'en est-il de cette pensée ? s'agit-il d'une rétrogradation cognitive égoïste sans tenir compte des autres peuples ?
    A mon humble avis, dans les temps qui sont les nôtres, nous devons être ouvert aux autres afin d'évaluer tant que faire se peut notre capacité cognitive. Voilà pourquoi, nous référant à la doctrine sociale de l'Église, le pape Jean-Paul II dans "Sollicitudo rei socialis" veut nous nous montrer que l'Église étant experte en humanité, nous invite à "s'ouvrir à une perspective internationale" en vue du développement intégral de tout l'homme et tous les hommes.

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    1. Merci Monsieur Emmanuel, je suis très honoré de cet ajout manifeste. Je sens que j'ai à faire à un lecteur-critique de renom. Oui, je l'ai dis, il importe pour l'Africain de rentrer aux sources pour trouver moyen de se (re) lancer afin de développer son quotidien dans une Afrique où il fait beau vivre. Son contact avec l'extérieur lui sera bénéfique si Elle sait reconnaître ce qu'Elle est d'abord, ce qui lui manque ensuite, ce dont Elle a besoin enfin. Et non être passive dans une interconnexion culturelle, ... L'Afrique n'est pas un poubelle pour tout recueillir... il lui faut un tri dans ce qu'elle reçoit de l'extérieur pour son développement. Merci encore...au plaisir !

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    2. Tes dires me rappel Jean Claude manzueto dans son livre *l'âme perdue d'une nation*. Certes, la conscience de l'homme noir doit être bousculée et renouveller... L' homme noir à perdu ses valeurs, son coeur, sans conscience, et veut vivre au dépend de l'homme blanc. Comment faire revivre cette conscience piétiné ? Comment faire appel à la conscience du muntu ? Comment mettre en pratique cette philosophie bantu?? Voilà plusieurs questions auxquelles nous devons répondre afin de comprendre ton article et savoir quoi mettre un commentaire digne ...
      Suis très fière de toi mulyanga

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    3. Grand merci. Jai.lu Jean-Claude Manzueto, en intégralité dans son oeuvre L'âme perdue d'une nation. Certes, le peuple se meurt et sa conscience avec. Nous vivons un renversement de valeurs. En tout je dis merci pour les questions qui font carburer les méninges africaines en vie d'un développement meilleur. Je conseille, par la suite, la pratique de la Charité comme vertu. Car si chacun considérait l'autre comme lui-même, l'on ne se piétinerait pas les uns les autres... Encore merci !

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    4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  8. merci monsieur jean -luc pour ce texte idyllique et limpide. au rebours; il ne fallait pas au moins situer un lieu théorique et pratique donné. car à mon humble avis il s.agit bel et bien de l.homme africain et plus précisément du mutu. certes; chaque mutu cogite en référence d son zit in leben. alors les pistes que vous nous présentez pour qu'il se développe s.appliquent -elles à tous les mutu étant donné qu'ils n.ont pas les mêmes coutumes et mœurs; cultures? etc.
    in fine; je tiens à vous féliciter et surtout à louer votre effort de chercheur. c.est bien de valoriser notre beau continent. courage monsieur Luka

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  9. Bonjour cher lecteur. Merci du mot. Mais une chose, il n'y a pas d'être humain universel. L'être humain vient de quelque part et est conditionné par une situation. L'être humain dont je parle dans mon texte, c'est l'Africain en général, évitant d'évoquer sa culture, sa coutume ou ses moeurs... De ce fait, eu égard à ce texte chaque Africain dans ses Us et Coutumes doit se sentir "bousculé" non seulement parce qu'il est né en Afrique mais parce qu'il réfléchi africain. C'est ainsi que le texte est une note préférentielle pour cet Africain qui réfléchi africain en Afrique. Merci encore et bonnes recherches à vous!

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  10. Une telle réflexion dans un contexte tel que le notre est un pas vers l'émergence de l'Afrique. En effet, l'Africain doit prendre conscience de son état d'être, être de raison car dit-on avec Descartes que le bon sens ou mieux la raison est la chose la mieux partagée du monde. Par conséquent l'Africain est capable de penser africain tout en restant ouvert aux autres. Ainsi l'Africain se sentira important et nécessaire dans le rendez-vous du donner et du recevoir. Courage M. Jean-Luc et duc in altum.

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    1. Merci beaucoup cher ami et frère Nathan. Merci de ton intervention qui répond en même temps aux préoccupations précédentes de certains lecteurs. Merci de ta considération et n'oublie pas le même principe : Duc in altum!

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